Philippe van Mastrigt

Les tendances du secteur de l'édition - 2019 - 3e partie

(Ceci est un résumé en trois parties de la présentation faite lors de la réunion des utilisateurs européens d'Advantage à Lisbonne les 26 et 27 septembre 2019. Vous pouvez lire la partie 1 ici et la partie 2 ici.)

3e partie

Nouvelle époque, nouvelles stratégies

2019 a été l'année du podcast. La couverture médiatique sur ce thème a été importante. De plus en plus d'éditeurs en ont lancés, mais cela sauvera-t-il vraiment le secteur ? A côté des plus connus, comme le New York Times Daily ou le Guardian, certains clients d'Advantage ont développé les leurs. Bayard Presse vient de lancer le sien pour les 7 à 11 ans, et De Telegraaf a également lancé une série.

Cependant, les éditeurs pénètrent sur un terrain concurrentiel où ils ne sont pas nécessairement les mieux placés. Il y a les stations de radio, notamment publiques (Radio France, la BBC...) dont les programmes en format podcast sont bien connus et ont une audience considérable. Il y a aussi les acteurs spécialisés comme Majelan en France ou Parcast aux Etats-Unis, qui créent et diffusent du contenu. Mais le marché est particulièrement bien couvert par les acteurs du streaming comme Spotify, qui vient d'acheter Parcast, ou Apple qui dispose de l'un des principaux canaux d'accès avec son application de lecture des podcast. Enfin, il y a des éditeurs de livres dont le marché des livres audio connait une croissance rapide. Dans le cas d'Audible, son propriétaire Amazon n'est jamais loin.

Un modèle viable pour rentabiliser les podcasts reste à trouver. La principale source de revenus demeure la publicité, mais ses chiffres sont faibles, malgré le doublement du volume en un an. Le financement par les auditeurs est moins fréquent, bien que The Anfield Wrap, une chaîne dédiée au journalisme sportif, ait réussi à attirer plus de 10 000 abonnés à 5 livres par mois. Mais en l'absence d'un modèle rentable, les éditeurs justifient leurs investissements par l'anticipation des conversions en abonnements. Le New York Times Daily tente d'atteindre un public très jeune, dans l'espoir d'inculquer une habitude. L'engagement fort manifesté par les auditeurs intéresse également le Financial Times, qui y voit un terreau fertile pour la prospection. Le Monde en France a peut-être trouvé un moyen concret d'y parvenir, en construisant des podcasts conçus comme des extensions d'articles. Après l'avoir écouté, le taux de visite aux articles "sources" en ligne augmente considérablement. L'approche suivie par Le Monde reste en phase de test mais offre une nouvelle stratégie - donnant aux abonnés un accès premium au podcast.

Outre le podcast émerge une approche plus prometteuse reliant journalisme et abonnements. Lors du Digital Innovation Summit à Berlin en 2017, un consultant rappela à l'auditoire un constat évident mais négligé : votre contenu est votre principal atout, alors ne le donnez pas ! Son message pointait principalement les réseaux sociaux où les actifs éditoriaux n'ont pratiquement aucun rendement. Deux ans plus tard, lors du INMA Digital Innovation Summit 2019 à Stockholm, le thème du journalisme pilotant les abonnements donna lieu à quelques présentations fascinantes.

En fait, la croissance des Paywall, et en particulier le modèle freemium, place les journalistes dans la position de décider si leurs articles doivent être disponibles gratuitement ou nécessitent d'être achetés. Alexandra Beverfjord, rédactrice en chef et PDG de Dagesbladet (Aller Media) rappela la question quotidienne posée pour chaque article : doit-il être gratuit ou "derrière le mur" ? Le quotidien Le Temps va plus loin, demandant à chaque journaliste d'indiquer la valeur contributive de l'article pour l'entreprise. Alors que le paywall métré était géré par le marketing, Marc Isler de Tamedia souligne le rôle clé des équipes éditoriales dans le freemium.

La prochaine étape pourrait-elle être le journalisme piloté par les données ? C'est déjà le cas en Australie chez NewsCorp. Brendan Collogan, responsable du marketing client, a développé Verity, une application qui utilise l'intelligence artificielle pour évaluer la contribution de chaque article publié. Chaque article est classé comme contributive à l'acquisition de lecteurs/abonnés ou à la stimulation de la fidélité. Cette approche ne fait que démarrer.

Conclusion

Quel est l'avenir de l'industrie de l'édition ? 2018 a montré des signes d'espoir avec la croissance des abonnements numériques, mais la recette parfaite du succès n'a pas encore été trouvée. La mise au point est coûteuse tandis que les pertes continuent et laissent de moins en moins de ressources pour la financer. La tendance des rachats, des restructurations et la disparition d'éditeurs se poursuivra sans aucun doute. Nous ne pouvons qu'espérer un nouvel équilibre, peut-être en découvrant de nouvelles façons de diversification ou par une stratégie publicitaire gagnante capable de concurrencer les GAFA. Rendez-vous en 2020 !

1ère partie

2ième partie


Partager cet article.

Sélection d'Articles

La grande fusion : la convergence de l'écrit, de l'audio et de la vidéo

déc. 20, 2024
Tout au long de l'histoire, le paysage médiatique a été perpétuellement façonné …

Comment le papier survit-il à l'ère du numérique ?

déc. 13, 2024
Il est indéniable que le secteur de l'édition tend vers un paysage numérique …

EAUG 2024 : les utilisateurs européens se réunissent à Oxford pour leur réunion annuelle

oct. 25, 2024
La conférence annuelle de l'European Advantage Users Group (EAUG ) d' …